REFORME DE L'ADOPTION

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ADOPTION OU ABSTENTION

A grand renfort de plan média, Madame Rama Yade, Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères et aux Droits de l’Homme, assistée pour cette tâche de Monsieur Gérard Depardieu (acteur), a annoncé le 28 juillet 2008, l’imminence d’une Xème réforme de l’adoption.

Cette annonce fait suite à la remise d’un rapport par Monsieur Colombani, (journaliste), au Président de la République le 19 mars 2008.

Le 27 août 2008, à l’occasion d’un conseil de ministres, Madame Nadine Morano et Madame Rama Yade ont annoncé les grandes orientations de la réforme de l’adoption.

Ainsi, s’agissant de l’adoption internationale, Madame Rama Yade a annoncé une évolution de la législation sur 3 points :
 
1. Réorganisation du réseau des acteurs de l’adoption internationale, passant par la redéfinition des rôles respectifs de l’Autorité Centrale pour l’Adoption Internationale et de l’Agence Française de l’Adoption.

2. Favorisation du dialogue avec les pays d’origine des enfants adoptés.

3. Renforcement des moyens humains pour mieux servir les besoins des enfants privés de famille (passant par la création d’un ambassadeur chargé de l’adoption internationale et d’un réseau de volontaires de l’adoption internationale).

Par ailleurs, Madame Morano a annoncé le développement de l’adoption nationale jusqu’alors limitée.

De surcroît, Madame Morano a annoncé l’institution d’une formation obligatoire pour les familles désireuses d’adopter.

Une telle orientation de réforme non seulement ne retient que partiellement les conclusions du rapport Colombani mais de surcroît, participe d’une conception colonialiste de l’adoption internationale.


UN POSTULAT DE DEPART ERRONE

La nécessité de réformer l’adoption internationale repose, tant dans le rapport Colombani que dans le cadre de ce projet de réforme, sur un postulat erroné : la chute du nombre d’adoptions internationales serait liée à des problèmes structurels internes.

En effet, la diminution du nombre des adoptions internationales, depuis 2005, tient essentiellement à deux facteurs :
 
1. L’intégration dans les différents droits nationaux des pays d’origine des enfants adoptés, de la convention de La Haye du 29 mai 1993.

2. L’évolution des politiques propres à chaque état relativement à l’adoption internationale.

De 1980 à 2005, selon des sources gouvernementales, le nombre d’adoptions, en France, d’enfants de pays étrangers est passé de 935 à 4136.

Or depuis l’année 2005, le nombre d’adoptions internationales n’a eu de cesse de diminuer (moins 20 % entre 2005 et 2007) ; la diminution la plus forte étant relevée en Asie.

Il est à noter que cette diminution est ressentie dans tous les pays « adoptants » à l’exception de l’Italie dont le nombre d’adoptions internationales était extrêmement limité.

Il n’y a donc pas lieu de déduire du constat d’une baisse du nombre d’adoptions internationales un problème structurel français.

Pour autant, il n’y a pas lieu de conclure à une absence totale de problèmes structurels.


UNE REFORME A L’ESPRIT AMBIGUË

A titre liminaire, il est surprenant que ce projet de réforme de l’adoption soit présenté, en premier lieu, par la Secrétaire d’Etat chargé des Affaires Etrangères et plus particulièrement des Droits de l’Homme.

En effet, on ne peut raisonnablement demander à l’institution de l’adoption internationale d’être le vecteur, dans les pays d’origine des enfants adoptés, des droits de l’Homme.

Là n’est pas la vocation de l’adoption internationale.

Par ailleurs, en aucun cas, il ne peut être affirmé que l’adoption internationale serait un droit de l’Homme.

De surcroît, il a été annoncé la création de réseaux de volontaires de l’adoption internationale fondée sur les bases des « Peace Corps » américain.

Les « Peace Corps » ont été créés en 1961 et constituent une agence indépendante de l’administration américaine destinée à favoriser la paix et l’amitié dans le monde.

Les buts officiellement reconnus aux « Peace Corps » sont :
 
1. Aider les personnes des pays intéressés en satisfaisant leurs besoins d’ouvriers qualifiés ;

2. Aider à favoriser une meilleure connaissance de la culture américaine par les pays desservis par l’agence ;

3. Aider à favoriser une meilleure connaissance de la culture des pays en cause par le peuple américain.

Or la mission dévolue aux volontaires de l’adoption internationale serait, sous l’autorité des ambassadeurs et dans le respect des législations nationales et des conventions internationales, d’aider les pays pour que les enfants privés de famille ne restent pas en institution.

Bien évidemment l’adoption internationale serait l’un de ces moyens.

Aussi et sous couvert d’une vocation humanitaire, un tel projet induit nécessairement une ingérence dans la politique familiale des pays d’origine des enfants adoptés.

Par ailleurs et tout aussi implicitement, une telle pratique remet en cause la politique interne des pays.

En cela, le projet de réforme est empreint de relent colonialiste et de maladresse diplomatique.

Enfin et malgré les nombreux reproches élevés par Monsieur Colombani dans son rapport et le constat d’échec qu’il fait de l’institution, l’Agence Française de l’Adoption n’est nullement supprimée.

Il est proposé de laisser subsister l’Autorité Centrale pour l’Adoption Internationale qui deviendrait une véritable « tête de réseau ».

L’Agence Française de l’Adoption devrait voir, quant à elle, ses compétences étendues et sa tutelle renforcée.

Il est difficile de croire qu’une institution, qui n’a pas été capable de trouver sa place depuis la réforme de 2005, puisse, à la suite de cette réforme, partir sur de nouvelles bases saines.


UNE REFORME CONTESTABLE AU NIVEAU INTERNE

 Madame Morano a préconisé :
 
1. de faciliter l’adoption nationale ;
2. d’inciter une formation obligatoire pour les parents postulant à l’adoption.
S’agissant tout d’abord de la réforme de l’adoption nationale, il y a lieu de relever qu’il n’a pas été précisé comment cette adoption serait facilitée.

Il est bien évident qu’un tel but ne pourra être atteint que par une nouvelle réforme de l’article 350 du Code Civil relatif à la procédure dite d’abandon.

Or il est à noter que cet article a été réformé pour les deux dernières fois en 1996 et en 2005.

Une nouvelle réforme est difficilement envisageable sauf à annihiler tout travail des travailleurs sociaux dans le cadre de la reconstitution des liens entre un enfant et sa famille biologique.

Par ailleurs et s’agissant de la formation obligatoire des parents postulant à l’adoption, Monsieur Colombani, dans le cadre de son rapport, indiquait qu’une telle formation permettrait de s’assurer de la motivation des parents.

Croire ainsi que des parents, qui sont actuellement contraints de se soumettre à la procédure d’agrément, en interne, qui dure 9 mois minimum, puis, dans la majorité des cas, d’attendre en moyenne 3 à 4 années pour les démarches internationales, ne seraient pas motivés démontre soit une méconnaissance totale d’une réalité douloureuse, soit du mépris.

A n’en pas douter, cette réforme augmentera les contraintes des postulants à l’adoption et ne pourra, en tout état de cause, augmenter le nombre des adoptions internationales qui continueront à se heurter à une réalité elle-même internationale.

Une fois de plus, nous ne pouvons que déplorer qu’en France, lorsqu’une institution ne fonctionne pas, il faut nécessairement rechercher la cause ou plus précisément l’excuse à l’étranger.


Guillaume BARDON
Avocat à TOURS

  1. Re: Les Peace Corps de Rama Yade ...

    CMB
    Vendredi 24/10/2008 à 18:53

    Merci.

    Lorsque l'on est concerné, on est souvent plus lucide dans ce genre de matière.

    Il y a peut être lieu de regretter que les concepteurs du projet de réforme soient moins concernés.

  2. Pas toujours d'acc' !!!

    Moushette
    Dimanche 26/10/2008 à 10:35

    Bonjour,

    Voici mes réactions à votre article :

    - Je ne comprends pas du tout lorsque vous dites : "participe d’une conception colonialiste de l’adoption internationale." Trouver des familles pour nos pupilles placés en famille d'accueil, crééer une autorité centrale et un ambassadeur qui manquent cruellement pour positioner la France dans les pays où se pratique l'AI, les formations des familles aux réalités de l'adopiton... en quoi est ce que ca vous donne une conception colonialiste de l'AI ?????

    - Vous oubliez un facteur essentiel de la diminution de l'AI : il y a de moins en moins d'enfants abandonnés à la naissance dans bcp de pays, et surtout de plus en plus de pays adoptent en national. Conclusion, les enfants adoptables à l'étranger sont de plus en plus des enfants dits grands, des fratries, des enfants dits à "besoins spéciaux" etc.
    L'AI a changé, mais la demande de nos familles, elle n'a pas évolué (sans doute par manque d'informations "terrain" et réticences des acteurs de l'adoption qui les préparent dans leur projet). Vous parlez de l'Italie, je vous invite à consulter les stats de leurs adoptions : 47% des enfants adoptés en Italie ont plus de 5 ans !! http://www.commissioneadozioni.it/FileServices/Download.aspx?ID=353

    - Concernant les "formations" des parents, cette pratique se fait dans la majorité des pays européens, et cela aide les parents à comprendre les réalités du terrain, cela les prépare à l'attente, à ce qu'ils risque de faire face avant, pdt et après l'arrivée de l'enfant. Pour en avoir parlé à plusieurs parents postulants européens et autorités centrales, ces formations sont largement plébiscitées par les postulants de ces pays.

    - Peace Corps : mon avis est que des "djeun's", peu formés et méconnaissants à la réalité du pays où ils seront débarqués (sans compter le turnover des PC), n'auront pas une grande utilité dans ces pays, surtout s'ils sont signataires de la convention de la Haye et que leur politique d'AI sont très rigides...

    - Quant à l'AFA, je trouve qu'elle est nécessaire, mais en premier temps, il lui aurait fallu des dirigeants plus dynamiques sur le terrain et plus efficaces en terme de gestion des relations avec les autorités centrales du pays...... Sans compter le respect des familles postulantes, dont la souffrance semble leur être complètement inconnue...


    Moushette
    Maman de deux enfants nés en Inde
    Bénévole, resp. adoptions Inde dans l'OAA "Les Enfants de l'Esperance"
    http://moushette.blogspot.com

  3. Re: Pas toujours d'acc' !!!

    Guillaume BARDON
    Mercredi 29/10/2008 à 20:34

    Bonjour,

    Merci de vos réactions particulièrement développées et argumentées.

    A titre liminaire, je me dois de vous préciser que je ne considère pas l'adoption en tant que telle comme colonialiste. Je considère en revanche que certains aspects du projet de réforme ont des inspirations colonialistes.

    Ainsi, l'ingérence dans la politique familiale des pays d’origine des enfants adoptés et la remise en cause de celle-ci par la France, se traduisant par la mise en place de personnes  intervenant  sur une période limitée dans le temps et ne disposant d'aucune connaissance particulière du terrain, dont la mission première sera essentiellement de permettre de trouver des enfants adoptables, aux lieu et place des autorités locales me paraît constituer une forme de colonialisme.

    Avant de relever les dysfonctionnements des politiques familiales des pays étrangers, il y a lieu de s'interroger sur nos propres carences.

    Par ailleurs la création d'un poste d'ambassadeur en charge de l'adoption internationale me paraît totalement inutile.

    L'effectivité du travail ne doit en effet pas se concentrer dans les hautes sphères et dans les coktails, mais sur le terrain.

    Ce dont ont besoin les couples adoptants en individuel est simple : un accompagnement, sur le terrain, à l'instar de l'investissment humain  mis en place par des OAA.

    Or, pour ce travail, il ne suffit pas de parachuter quelques volontaires pour l'adoption.

    Je conçois que le débat soit particulièrement ouvert dans le domaine de l'adoption internationale tant les réalités des parcours des différents postulants sont différentes.

    Guillaume BARDON



  4. Bonjour,

    A côté des louables efforts du secrétariat d'état aux droits de l'homme pour le développement de l'adoption intenrationale, il ne faut pas oublier une conséquence inattendue de la récente politique de contrôle de l'immigration qui voit l'expulsion d'adoptés légaux étrangers et leur bannissement perpétuel hors des frontières.

    On en trouve ici aucun des thèmes généralement mis en avant, concernant l'intégration, l'employablité ou la maîtrise de la langue. Non, il se pose ici des questions d'ordre humanitaire et de sécurité juridique des adoptions internationales face aux aléas de politiques d'immigration.

    Ce qui pose problème, ce n'est pas l'adoption plénière, mais l'adoption simple qui n'est pas un libre choix mais une obligation juridique bien codifiée depuis plus de 200 ans.

    Or avec le temps, cette forme simple conduit des adoptés internationaux, de longue date par des familles françaises dans des impossibilités par un zèle étonnant de certains fonctionnaires consulaires ou de préfectures.

    En d'autre termes, a quoi bon adopter, si c'est pour plus tard expulser !

    Ces adoptés deviennent, ni d'ici, ni d'ailleurs et méprisés de partout.

    Il serait temps de laisser vivre en tranquilité ces adoptés et leur familles dans notre pays.

    Plus de détails : http://amisducollectifdeleo.googlepages.com/Aquoibonadoptersicestpourplustardexp.pdf

    Cordialement,