LES POUPEES DE NICOLAS SARKOZY

Les limites du droit à l'image : le droit à l'humour ?

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SARKOZY : LA POUPEE QUI FAIT NON NON NON NON …

 
Le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a considéré que la poupée vaudou à l’effigie de Monsieur SARKOZY « ne constitue pas à une atteinte à la dignité humaine ni une attaque personnelle » et « s'inscrit dans les limites de la liberté d'expression et du droit à l'humour ».

Loin du débat polémique sur l’intérêt d’une telle commercialisation, il y a lieu de s’attacher à l’analyse d’une telle décision au regard des dispositions légales en la matière et surtout de leur analyse jurisprudentielle.

 
LES DISPOSITIONS LEGALES

Le fondement de l’action du chef de l’Etat était l’article 9 du Code Civil qui dispose :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »

Il est à noter que l’image d’une personne est également protégée par des dispositions pénales.

L’article 226-1 du Code Pénal précise :

Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :

1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

L’article 226-8 du Code Pénal ajoute :

Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l'image d'une personne sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un montage ou s'il n'en est pas expressément fait mention.

Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

LA JURISPRUDENCE

Les Tribunaux recherchent traditionnellement si la reproduction de l’image d’une personne :

- Porte atteinte à l’intimité de sa vie privée ;
-  Porte atteinte à sa dignité. 

Dans le cas d’espèce il est patent que l’intimité de la vie privée de Monsieur SARKOZY ne pouvait être invoquée en l’espèce.

Seule l’atteinte à sa dignité pouvait être invoquée.

Sur ce point particulier, la Cour de Cassation a, dans un premier temps précisé que :

« attendu que, selon l'article 9 du Code civil, chacun a le droit de s'opposer à la reproduction de son image, et que l'utilisation, dans un sens volontairement dévalorisant, de l'image d'une personne, justifie que soient prises par le juge toutes mesures propres à faire cesser l'atteinte ainsi portée aux droits de la personne » (Cass. 1re civ., 16 juill. 1998)

Puis, à partir de 2001, la Cour de Cassation a cessé de faire référence à la dignité de la personne en cause, pour axer son analyse autour du respect à la dignité de la personne humaine (Cass. 1re civ., 20 févr. 2001).

L’analyse de cette atteinte relève d’une appréciation souveraine des Juges saisis.

En l’espèce le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris n’a non seulement pas relevé d’atteinte à la dignité de la personne, mais a de surcroît rappelé l’existence d’un droit à l’humour.

Cette décision s’inscrit par conséquent dans la droite ligne de la Jurisprudence relative au droit de caricature, qui tend à devenir un droit général, opposable à tout droit exclusif.

La Jurisprudence pose cependant une limite à la caricature : elle doit être dépourvue d'animosité et de malveillance (CA Paris, 15 nov. 1966), mais elle peut induire une opposition à la personne visée (CA Paris, 4e ch., sect. B, 28 janv. 1982).

La notion de droit à l’humour opposable (DAHO) est cependant nouvelle, mais bienvenue.

Le Président de la République a interjeté appel.

SUITE :

La Cour d'Appel de Paris a réformé l'ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, en considérant notamment que le fait d'inciter les consommateurs à utiliser les aiguilles portait atteinte à la dignité de la personne.

Cependant la Cour d'Appel n'a pas suivi la demande du chef de l'état tendant à voir retirer de la vente les livres et les poupées.

Il s'agit à priori du point final de cette affaire.


Guillaume BARDON
Avocat à TOURS