Mots-clés : email, preuve, acte
Un E-mail peut-il constituer une preuve recevable ?
L’e-mail a rapidement pris une place très importante dans les échanges entre les individus, que ce soit à titre privé ou professionnel. La question de la recevabilité de l’e-mail comme mode de preuve s’est donc rapidement posée. Tout d’abord extrêmement réticents, compte tenu notamment de l’incertitude pesant sur l’identité même de l’expéditeur, les Tribunaux se sont peu à peu habitués à prendre en considération ces écrits, avant que le législateur intervienne. Deux situations distinctes doivent cependant être analysées.
1. E-mail comme preuve d’un acte juridique
Il convient à titre liminaire de rappeler que, si entre commerçant la preuve est libre, l’article 1341 du Code Civil prévoit que lorsqu’un particulier s’engage pour une valeur supérieure à 1.500 €, un contrat écrit doit être régularisé. Dès lors, dans tous les cas où la preuve est libre, il est concevable d’envisager de la rapporter par l’utilisation d’un e-mail. Toutefois il convient de veiller à ce que l’e-mail réponde à la triple exigence d’intelligibilité, d’intégrité et d’identification. L’écueil le plus fréquent est en effet d’attribuer à une personne déterminée l’envoi d’un e-mail.
Par ailleurs les lois des 13 mars 2000 et 21 juin 2004 sont venues considérablement élargir le champs d’utilisation de la communication électronique dans la formation des contrats. L'article 1316-1 du Code civil dispose désormais : « L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ». La volonté d’une partie à contracter se traduit, dans le cadre d’un écrit sous forme papier par l’apposition de sa signature. Dans le cadre d’un contrat prenant la forme d’un écrit numérique l’article 1316-4 du Code Civil prévoit que la signature consiste alors en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie.
Enfin s’est posée la question de la validité d’actes juridiques unilatéraux dont la seule manifestation a pour support un e-mail. Ainsi la Cour d'appel de Paris a eu à se prononcer sur la validité d’une démission adressée par e-mail à l’employeur (Cour d’Appel de Paris, 18e ch., 16 nov. 2001). Dans cette espèce, un salarié qui avait décidé de démissionner en adressant un e-mail à son employeur pour l’informer de ce choix. Le même salarié avait ensuite saisi le Conseil de Prud’hommes reprochant à son employeur d’avoir tenu compte de cette démission et de l'avoir remplacé. Le salarié, dans le cadre de sa défense avait expliqué qu’un e-mail étant une messagerie instantanée qui ne laissait pas de place à la réflexion ne pouvait être le support d’une démission qui doit résulter d’une manifestation claire et non équivoque de la part du salarié. La Cour d’Appel de PARIS a écarté les contestations du salarié. Il est à noter que, dans cette espèce, le salarié n’a jamais contesté avoir été le rédacteur du l’e-mail, ni remis en cause son contenu.
2. E-mail comme preuve d’un fait juridique
La difficulté majeure pour hisser l’e-mail au rang des preuves de fait juridiques est l’incertitude qui pèse sur l’identité de son auteur. En effet il est particulièrement aisé d’usurper l’identité numérique d’un individu pour laisser entendre qu’il aurait tenu tel propos ou commis tel fait. Ainsi pour utiliser un e-mail à titre de preuve, il faut être en mesure de démontrer qui en est l’auteur. Il convient de préciser que, dans les cas où l’e-mail est revêtu d’une signature électronique, son origine n’est pas contestable.
Il convient cependant de préciser que, en pratique, les e-mails sont peu contestés.
Guillaume BARDON
Avocat à TOURS