La loi ne remet pas en cause le principe du repos dominical (I) mais se limite à élargir les dérogations possibles (II) suivant en cela l’exemple de pays voisins de la France tout en instituant une nouvelle contrepartie et garantie au profit des salariés concernés (III).
Une Circulaire Ministérielle en date du 31 août 2009 a apporté des précisions quant à la mise en œuvre du nouveau dispositif (Circulaire DGT n° 20, 31 août 2009).
I – LA PRESERVATION DU PRINCIPE DU REPOS DOMINICAL
L’employeur ne peut déroger au principe du repos dominical même avec l’accord de ses salariés que dans l’hypothèse où il bénéficie d’une des dérogations admises par le Code du travail (Cass.Crim. 5 déc. 1989 n° 89-82001).
Le droit communautaire reconnaît à chaque état membre le soin d’inclure ou non le dimanche dans le cadre du repos hebdomadaire (CJC 12 nov. 1996 aff. C 84/94).
Ainsi, la directive du 1er août 2000, modifiée par celle du 4 novembre 2003, supprime l’obligation d’inclure le dimanche dans le repos hebdomadaire (Directive 2000/34/CE 22 juin 2000, article 1 JSCE n° L 195 ; Directive 2003/88/CE du 4 nov. 2003 article 5).
La loi française vient donc de réaffirmer le principe du repos dominical en ajoutant que le repos hebdomadaire est donné le dimanche « dans l’intérêt des salariés » (art. L3132-3), incitant ainsi ces derniers à ne pas renoncer au repos dominical même au travers d’un accord avec l’employeur (rapport Assemblée Nationale n° 1782 page 52).
Seuls les départements d’Alsace et Moselle échappent à la réforme et continuent d’être régis par les dispositions spécifiques prévues aux articles L3134-2 et suivants du Code du travail, lesquelles sont plus restrictives en matière de dérogation et que le droit commun.
II – LES DEROGATIONS AU PRINCIPE DU REPOS DOMINICAL
Il existe deux types de dérogations : il existe des dérogations permanentes et des dérogations temporaires.
A. LES DEROGATIONS PERMANENTES
Elles peuvent être de droit ou conventionnelles.
Le Code du travail offre deux types de dérogations permanentes :
- les secondes pour les commerces de détail alimentaire.
- Les dérogations pour les établissements dont le fonctionnement ou l’ouverture est nécessaire
L’article L3132-12 du Code du travail dispose :
Certains établissements, dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.
- Les établissements qui fabriquent des produits alimentaires destinés à la consommation immédiate
- Les hôtels-restaurants et débits de boissons
- Les entreprises de journaux et d’information
- Depuis peu, les établissements de commerce de détail d’ameublement (loi n° 2008-3, 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs)
- Les commerces de détail alimentaire
La réalité de l’activité principale s’apprécie strictement au cas par cas, établissement par établissement, en fonction du chiffre d’affaires réalisé dans les différents rayons, les surfaces occupées et l’effectif employé dans ces rayons.
La loi du 10 août 2009 a légèrement modifié le dispositif en reportant la fin de la plage horaire à 13 heures, reprenant ainsi la préconisation du Conseil Economique Social et Environnemental dans une étude sur les motivations de la société et les activités dominicales en date du 18 décembre 2007.
La loi nouvelle ne remet pas en cause le principe des dérogations conventionnelles dans le secteur industriel en raison de l’organisation du travail en continu (art. L3132-14 du Code du travail) ou d’équipes de suppléance (art. L3132-16 à L3132-19).
B. LES DEROGATIONS TEMPORAIRES
Des dérogations temporaires peuvent être accordées sous certaines conditions tantôt par le Préfet, tantôt par le Maire.
Le Préfet a compétence pour accorder des dérogations aux établissements :
2/ de vente au détail situés dans des communes touristiques et thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente.
3/ de vente au détail mettant à disposition des biens et des services dans un périmètre d’usage, de consommation exceptionnelle
a. pour les établissements dont la fermeture le dimanche est préjudiciable au public et de nature à porter atteinte au fonctionnement normal de l’établissement.
L’article L 3132-20 du Code du travail dispose :
1° Un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l'établissement ;
3° Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ;
4° Par roulement à tout ou partie des salariés. »
Les autorisations préfectorales sont individuelles même si elles peuvent être étendues à plusieurs établissements dans une même localité exerçant la même activité.
L’appréciation du préjudice relève du domaine du pouvoir souverain du juge au regard des produits ou des services vendus par l’entreprise (CE 8 juil. 1994 n° 151/499) et à la nature de la clientèle.
Le préjudice est établi lorsque cette dernière est essentiellement composée d’une population touristique de passage pour laquelle l’ouverture de l’établissement s’impose (CE 18 fév. 1991 n° 86200).
L’atteinte au fonctionnement normal de l’établissement est retenue dans l’hypothèse où la clientèle est composée presque exclusivement de clients de passage et dans le cas d’une implantation géographique dans une zone industrielle et commerciale située en zone peu peuplée, ce qui interdit le report de la clientèle sur les autres jours de la semaine.
La loi du 10 août 2009 modifie le régime de l’autorisation administrative sur un seul point.
b. Dérogations dans les communes et zones touristiques
« …les établissements de vente au détail situés dans les communes d'intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel… »
La dérogation n’est plus limitée aux périodes d’activité touristique et peut être exercée toute l’année.
Le texte prévoit que les communes qui ne répondent pas à la définition de communes touristiques ou thermales sont néanmoins susceptibles de connaître, dans certaines zones particulières, une affluence touristique exceptionnelle ou une animation culturelle permanente de nature à justifier la prise en compte de besoins spécifiques du public attiré par le caractère original du lieu.
Il doit donc s’agir de voies, d’îlots, de quartiers ou de secteurs précisément délimités. »
(Circulaire DRT n° 94-5 du 24 mai 1994).
L’autorité compétente pour proposer au Préfet le classement d’une commune d’intérêt touristique ou thermal n’est plus le Conseil Municipal mais le Maire.
c. Les PUCE (Périmètres d’usage de consommation exceptionnelle)
2/ Les dérogations accordées après autorisation du Maire
La décision du Maire est prise après avis des organisations d’employeurs et de salariés intéressés.
La décision ne peut être prise qu’à l’égard d’une catégorie d’établissements exerçant la même activité commerciale.
Elle ne peut en aucun cas être limitée à un seul établissement.
III – LES GARANTIES OFFERTES AUX SALARIES
Avant la loi du 10 août 2009, les heures effectuées par les salariés travaillant le dimanche étaient, en l’absence de dispositions conventionnelles spécifiques, rémunérées au taux normal et éventuellement en heures supplémentaires.
Le régime applicable différait suivant le type de dérogation ou suivant que l’entreprise entrait ou non dans le champ d’une convention ou d’un accord collectif attribuant des contreparties aux salariés privés de repos dominical.
La loi du 10 août 2009 n’a pas fait œuvre d’harmonisation complète.
Loin s’en faut !
L’innovation mise en place par la loi du 10 août 2009 concerne les demandeurs d’emploi.
Le nouvel article L 3132-3.1 du Code du travail précise en effet que :
Le refus d’accepter une telle offre n’entre pas dans le champ d’application de l’article L5411-6-2 du Code du travail au titre duquel se trouve radié de la liste des demandeurs d’emploi tout chômeur qui, sans motif légitime, refuse à deux reprises une offre raisonnable d’emploi.
A. L’OBLIGATION DE NEGOCIER UN ACCORD RELATIF AUX CONTREPARTIES
Se trouvent en effet exclues les entreprises dont l’activité n’est pas le commerce ou les services de détail ainsi que celles qui dérogent au repos dominical en application d’une dérogation permanente de droit et celles qui se trouvent déjà couvertes par un accord collectif sur le sujet.
La Circulaire du 31 août 2009 précise que dans l’hypothèse où les établissements concernés souhaitent modifier les accords ou les usages, les règles habituelles de dénonciation doivent trouver à s’appliquer.
Se trouvent donc seuls tenus de négocier les employeurs qui dérogent au repos dominical en application d’une dérogation accordée lorsque le repos simultané le dimanche de tout le personnel est préjudiciable au public ou compromet le fonctionnement normal de l’établissement dans le cadre des périmètres d’usage de consommation exceptionnelle, sur autorisation municipale de cinq dimanches par an et dans les communes et zones touristiques (voir sur ce point article de Mickaël Allender Les formes du repos dominical, JCP 1385 page 14).
Le législateur laisse aux partenaires sociaux toute liberté quant aux contreparties susceptibles d’être négociées et accordées aux salariés (rémunération majorée, repos compensateur ou jours de congés supplémentaires).
La loi est également muette sur le calendrier et la périodicité des négociations.
La loi nouvelle impose, pour mettre en œuvre la dérogation au repos dominical dans les PUCE, de faire bénéficier les salariés d’avantages particuliers.
L’employeur doit donc obligatoirement recevoir l’appui des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ou à tout le moins d’une majorité des salariés concernés.
La négociation peut entendre l’accord interprofessionnel de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement.
Le législateur n’a imposé aucun minimum quant aux contreparties.
A défaut d’accord collectif, les autorisations sont accordées au vu d’une décision unilatérale de l’employeur prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent, approuvé par référendum organisé auprès du personnel concerné par la dérogation au repos dominical, c’est-à-dire par l’ensemble des salariés sollicités pour travailler le dimanche.
La fin de la consultation est ciblée.
L’employeur n’est pas obligé de consulter l’ensemble du personnel de l’entreprise ou de l’établissement.
Ces minima ne sont en revanche prévus qu’en cas de mise en place de la dérogation par référendum et non par accord collectif afin d’inciter les employeurs à négocier et à conclure un accord.
L’article L3132-25-4 alinéa 4 impose à l’employeur de demander chaque année à tout salarié travaillant le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise.
L’employeur doit à cette occasion informer le salarié qu’il dispose de la faculté de ne plus travailler le dimanche.
Le refus du salarié prend alors effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.
Enfin, le salarié privé de repos dominical a le droit de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile, à condition d’en informer préalablement son employeur en respectant un délai de prévenance d’un mois.
En présence d’un accord collectif stipulant des contreparties négociées après la décision unilatérale prise après référendum, les accords se substituent à la décision unilatérale et s’appliquent immédiatement.
La loi du 10 août 2009 innove en mettant en place une sécurité supplémentaire destinée à éviter le risque d’abus dans les entreprises bénéficiant d’une dérogation au principe du repos dominical au titre d’un PUCE ou de l’article L 3132-20 du Code du travail, afin d’éviter que les salariés ne soient systématiquement contraints de travailler le dimanche.
Seuls les salariés volontaires qui donnent leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche (art. L 3132-25-4 alinéa 2 du Code du travail).
L’entreprise qui bénéficie d’une dérogation ne peut :
- Ni refuser d’embaucher et prendre une mesure discriminatoire visant l’exécution du contrat de travail vis-à-vis du salarié qui refuse de travailler le dimanche
- Ni licencier ou prendre une quelconque sanction disciplinaire à l’encontre d’un salarié qui refuse de travailler le dimanche.
Chaque salarié privé du repos dominical percevra une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps.
Dans sa rédaction antérieure, l’article prévoyait seulement que chaque salarié concerné bénéficiait d’une majoration de salaire égale à 1/30e de son traitement mensuel, soit la valeur d’une journée de travail si l’intéressé était payé à la journée et d’un repos compensateur, sans apporter la moindre précision quant à la durée.
En conclusion, la réforme est loin du bouleversement que certains pouvaient souhaiter ou redouter.
S’agit-il d’un galop d’essai, d’un premier pas ou d’une réforme sans lendemain ?
Les choix à venir demeureront source de débat entre d’un côté les impératifs économiques militant en faveur d’un abandon progressif du repos dominical et de l’autre les aspirations légitimes à un jour de repos communément partagé, respectueux de traditions ancestrales.
Vincent COTTEREAU
Avocat au barreau de TOURS
Spécialiste en droit social