Mots-clés : mère porteuse, gestation pour autrui, maternité de subsitution
MERE PORTEUSE : QUAND LE VENT DE LA MODERNITE VIENT DU SENAT
Le 17 décembre 2008, la Cour de Cassation a, au terme d’une décision à laquelle elle a assuré une diffusion importante (FS-P+B+I), confirmé que l’évolution en matière de pratique de gestation pour autrui ne viendrait pas de la Jurisprudence.
Ainsi un couple qui ne pouvait avoir d’enfant avait obtenu par un jugement en date du 14 juillet 2000, de la Cour suprême de Californie que soit conféré à M. X…, la qualité de père génétique et à Mme Y…, son épouse, celle de mère légale des enfants à naître, portés par Mme Z…, conformément à la loi de l'Etat de Californie qui autorise, sous contrôle judiciaire, la procédure de gestation pour autrui. Le 25 octobre 2000 sont nées leurs deux enfants.
A la suite de la délivrance des actes de naissance établis en conformité avec le droit californien le père a demandé le 8 novembre 2000, la transcription des actes au Consulat de France à Los Angeles, ce qui lui a été refusé. A la demande du ministère public, les actes de naissance des enfants ont été transcrits, aux fins d'annulation, sur les registres de l'Etat civil de Nantes, le 25 novembre 2002, puis le 4 avril 2003, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Créteil a fait assigner les parents pour demander cette annulation. La Cour d’Appel, consciente de la situation humaine de cette famille, a la cour d'appel retenu que le ministère public ne contestait ni l'opposabilité en France du jugement américain, ni la foi à accorder, au sens de l'article 47 du code civil, aux actes dressés en Californie, dans les formes usitées dans cet Etat, et en conséquence déclaré irrecevable la demande du Parquet.
Toutefois la Cour de Cassation a cassé cette décision au motif qu’en « se déterminant par ces motifs, alors qu'il ressort de ses propres constatations que les énonciations inscrites sur les actes d'état civil ne pouvaient résulter que d'une convention portant sur la gestation pour autrui, de sorte que le ministère public justifiait d'un intérêt à agir en nullité des transcriptions, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 423 du code de procédure civile, et de l'article 16-7 du code civil. »
Cet arrêt de la Cour de Cassation s’inscrit dans la droite ligne de l’arrêt de l’assemblée Plénière du 31 mai 1991 (no 90-20.105) qui avait cassée sans renvoi, au visa des articles 6, 1128 et 353 du code civil un arrêt en précisant que la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public et de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes.
Ce premier arrêt, antérieur aux lois dites de bio-éthique, était venu sanctionner la pratique qui consistait à ce que la mère porteuse abandonne l’enfant à la naissance, alors que le père biologique procédait à une déclaration de paternité. Une adoption permettait enfin à la mère de devenir mère aux yeux de la loi.
Entre ces deux arrêts les lois de bio-éthique ont été votées (L. no 94-653, 29 juill. 1994, relative au respect du corps humain et L. no 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique). Ainsi désormais l’article 16-7 du code civil dispose que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle », sans distinguer la maternité pour autrui de la gestation pour autrui.
La gestation pour autrui, « parent pauvre » de l’aide à la procréation
En l’état des dispositions légales, un couple peut avoir recours à un don d’ovocyte et à un don de spermatozoïde, pour concevoir un enfant qui sera reconnu comme étant leur enfant.
En revanche un couple qui aurait recours à une mère porteuse pour la gestation d’un embryon conçu avec les spermatozoïdes de Monsieur et un ovule de Madame (il s’agit du cas des mères porteuses de second type) se verrait soumis aux foudres d’une société moralisatrice condamnant ce qu’elle appelle une forme d’exploitation du corps humain.
Cette sacralisation de la gestation a été particulièrement mise en lumière par Marcela IACUB qui rappelle que : « dans le même temps le législateur prend soin de définir le cadre légale des procréations artificielles de telle sorte qu’aucune ne soit exclue d’avance, afin de ne pas avoir à réécrire les lois à chaque nouvelle invention de la technique. Ainsi la maternité de substitution n’est pas seulement l’unique technique de procréation artificielle exclue d’avance par le législateur ; elle est aussi la seule qui soit passible d’une condamnation pénale (avant que le clonage ne vienne la rejoindre dix années plus tard lors de la révision des lois de 1994) ». (in L’EMPIRE DU VENTRE, FAYARD 2004).
En effet toute personne ayant recours à une maternité de substitution (qu’elle repose sur une maternité ou une gestation pour autrui) s’expose non seulement à voir le lien de filiation entre le parent et l’enfant rompu après des années de procédures, mais également à des sanctions pénales.
Ainsi l’enfant issu de ce mode de conception et de gestation se voit-il privé de toute filiation, et est hébergé par des délinquants… nous sommes donc en droit de nous interroger sur la place accordée à l’intérêt supérieur de l’enfant dans une telle logique juridique.
La cause de cette moralisation outrancière repose sur le principe général adopté par les lois de bio-éthique au terme duquel le corps humain est inaliénable et, dès lors ne saurait faire l’objet de conventions.
Mais alors que penser de la pratique des centres de procréations médicalement assistées qui imposent à tous les couples désireux d’avoir recours à un don d’ovocyte de trouver une donneuse, pour pouvoir espérer bénéficier d’un rang utile sur la liste des dons ?
Les prémisses d’une évolution législative ?
Alors même que notre gouvernement n’a de cesse de proclamer, à longueur de discours, sa vision moderne de la société, les lueurs d’une réforme de la question de la gestation pour autrui sont venues du Sénat. En effet cette Chambre, peu connue pour ses positions avant-gardistes a, dans le cadre de deux rapports, rédigés en 2008, examiné cette question.
Ainsi un premier rapport a été déposé en janvier 2008, abordant la gestation pour autrui sous l’angle du droit comparé. Les Sénateurs ont ainsi pu constater que sur les dix pays objets de l’étude :
- quatre d’entre eux avaient adopté une prohibition de principe (Allemagne, Espagne, Italie et Suisse) ;
- deux pays ne l’interdisaient pas (Danemark et Belgique) ;
- aux Pays-Bas, la gestation pour autrui est admise par le droit médical dans des conditions très strictes, mais n’est pas reconnu par le droit civil ;
- au Royaume Unis elle est autorisée à titre gratuit et le droit de la filiation a été aménagé en conséquence ;
- aux Etats-Unis et au Canada les règles varient en fonctions des états ou des provinces.
Un second rapport a été établi au nom de la commission des Affaires sociales et de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale par le groupe de travail sur la maternité pour autrui, le 25 juin 2008.
La Commission préconise d’autoriser la gestation pour autrui en l’encadrant de conditions particulièrement strictes tant vis-à-vis des parents que de la mère porteuse appelée par la commission gestratrice.
S’agissant des bénéficiaires
– les bénéficiaires de la gestation pour autrui devraient former un couple composé de personnes de sexe différent, mariées ou en mesure de justifier d’une vie commune d’au moins deux années, en âge de procréer et domiciliées en France ;
– la femme devrait se trouver dans l’impossibilité de mener une grossesse à terme ou de la mener sans danger pour sa santé ou pour celle de l’enfant à naître ;
– l’un des deux membres du couple au moins devrait être le parent génétique de l’enfant.
S’agissant de la gestatrice
– la gestatrice ne pourrait pas être la mère génétique de l’enfant ;
– elle devrait avoir déjà eu au moins un enfant sans avoir rencontré de difficulté particulière pendant la grossesse
– une même femme ne pourrait mener plus de deux grossesses pour le compte d’autrui
– une mère ne pourrait porter un enfant pour le compte de sa fille ; la gestation pour le compte d’une soeur ou d’une cousine ne serait pas interdite mais relèverait de l’appréciation de la commission pluridisciplinaire placée sous l’égide de l’Agence de la biomédecine ;
– la gestatrice devrait être domiciliée en France.
Par ailleurs les couples demandant à bénéficier d’une gestation pour autrui et les femmes prêtes à leur venir en aide devraient faire l’objet d’un agrément, destiné à vérifier leur état de santé physique et psychique, qui pourrait être délivré par une commission pluridisciplinaire placée sous l’égide de l’Agence de la biomédecine ;
La mise en relation des couples demandeurs et des gestatrices pourrait être effectuée par des associations à but non lucratif, agréées par l’Agence de la biomédecine. En revanche, en aucun cas, cette prestation ne pourrait donner lieu à rémunération, ni à publicité.
La gestation pour autrui ne pourrait donner lieu à rémunération mais un « dédommagement raisonnable » pourrait être versé par le couple bénéficiaire à la gestatrice afin de couvrir les frais qui ne seraient pas pris en charge par la sécurité sociale.
Un accompagnement psychologique devrait être proposé, tant à la gestatrice qu’aux parents intentionnels, pendant la grossesse et après l’accouchement.
Le transfert d’embryon serait subordonné à une décision du juge judiciaire qui devra vérifier les agréments, recueillir les consentements écrits des parents intentionnels et de la gestatrice ainsi que, le cas échéant, celui du conjoint, du concubin ou du partenaire de PACS de cette dernière, les informer des conséquences de leur engagement au regard notamment du droit de la filiation, fixer le montant du dédommagement raisonnable devant être versé par le couple bénéficiaire à la gestatrice,
ce montant pouvant le cas échéant être révisé en cas d’évènement imprévu au cours de la grossesse.
La Commission prévoit que seule la gestatrice pourrait prendre les décisions afférentes au déroulement de la grossesse, notamment demander son interruption. La gestatrice qui désirerait devenir la mère légale de l’enfant devrait en exprimer la volonté dans le délai de la déclaration de naissance, soit trois jours à compter de l’accouchement. Son nom figurerait alors dans l’acte de naissance et les règles du droit commun de la filiation s’appliqueraient, toutefois, dans l’hypothèse, la plus probable, où la gestatrice n’aurait pas exprimé le souhait de devenir la mère légale de l’enfant dans les trois jours suivant l’accouchement, les noms des parents intentionnels seraient automatiquement inscrits sur les registres de l’état civil en exécution de la décision judiciaire ayant autorisé le transfert d’embryon et sur présentation de celle-ci par toute personne intéressée.
Depuis le dépôt de ce second rapport aucune évolution législative n’est intervenue. Toutefois le débat devrait reprendre et conduire à des débats houleux dans le cadre de la réforme des lois de bio-éthique prévue dans le courant de l’année 2009.
Guillaume BARDON
CM&B