Le Projet de loi HADOPI

Intervention à l'AWT du 19 mars 2009

Mots-clés : , ,

I.              Historique de la loi HADOPI
 
L’idée de la création d’une nouvelle autorité destinée à lutter contre les téléchargements illégaux sur internet provient :
 
-       Du constat du fiasco de la loi DADVSI, et plus particulièrement du système des DRM
-       Du rapport de Monsieur OLIVENNES chargé par le Ministre de la Culture de réfléchir sur une réforme.
 
 
Le 23 novembre 2007 remise des travaux de la Commission OLIVENNES et signature des accords de l’Elysée.
 
 
RECOMMANDATIONS DE LA MISSION OLIVENNES
 
  1. Ramener la fenêtre VOD de 7 mois et demi après la sortie en salle à 4 mois. A cette occasion, les professionnels du cinéma analyseront l’impact d'une telle mesure sur chacun des acteurs économiques de la production et de la distribution et réexamineront si nécessaire les mécanismes de financement du cinéma. 
  1.  Aussi longtemps que les mesures techniques de protection (DRM) font obstacle à l'interopérabilité, abandonner ces mesures sur tous les catalogues de musique. 
  1. Subordonner les aides à la production du Centre national de la cinématographie à l'engagement que le film soit rendu disponible en VOD.  
  1. Généraliser le taux de TVA réduit à tous les produits et services culturels, cette baisse étant intégralement répercutée dans le prix public.
  1. Dans le cas où cette baisse serait obtenue, élargir l’assiette des abonnements internet « triple play » soumis au taux réduit en contrepartie de l’institution d’une taxe alimentant des fonds de financement de la création et de la diversité musicales comme cela a été fait pour le cinéma. 
  1. Publier un indicateur de piratage tenu par les pouvoirs publics, au maximum trimestriellement, de préférence mensuellement. 
  1. Regrouper les ayants droit en un agence unique chargée de lutter globalement contre le piratage et de favoriser l’évaluation, le choix et la promotion de technologies, communes ou convergentes, de marquage et de reconnaissance des contenus. 
  1. Généraliser les techniques de filtrage des contenus pirates par accord avec les ayants droit sur les plate-formes d’hébergement et de partage des oeuvres numérisées grâce au choix d’une technologie d’empreinte (ou d’un nombre réduit d’entre elles), qui trouverait sa pleine utilité si éditeurs et ayants droit fournissent les sources permettant l’établissement de larges catalogues d’empreintes de référence. 
  1. Expérimenter les techniques de filtrage des fichiers pirates en tête des réseaux par les fournisseurs d’accès à internet et les généraliser si elles se révèlent efficaces. 
  1. Simplifier et clarifier la circulaire adressée au Parquet pour l’application de la loi dadvsi pour favoriser une application plus effective de la loi. 
  1. Prendre le décret déterminant des juridictions spécialisées dans la lutte contre la contrefaçon numérique, ainsi que celui prévu par l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle relatif aux modalités de diffusion de messages envoyés par les fournisseurs d’accès pour sensibiliser les internautes. 
  1. La Commission nationale de l’informatique et des libertés doit tirer les conséquences de l’arrêt du 23 mai 2007 du Conseil d'Etat annulant sa décision du 18 octobre 2005 refusant à diverses sociétés d’auteur l’autorisation nécessaire à la mise en place d’un fichier permettant la recherche et la constatation des actes de contrefaçon sur internet. 
  1. Mettre en place soit une politique ciblée de poursuites, soit un mécanisme d'avertissement et de sanction allant jusqu'à la suspension et la résiliation du contrat d'abonnement, ce mécanisme s'appliquant à tous les fournisseurs d’accès à internet. Il peut nécessiter la mise en place d'une autorité indépendante.
 
Parallèlement signature le 23 novembre 2007 de l’Accord pour le développement et la protection des œuvres et programmes culturels sur les nouveaux réseaux également appelé  Accords de l’Elysée
 
Ce rapport va dormir quelques mois.
 
Un projet de loi va être élaboré sur la base des recommandations du rapport OLIVENNES.
 
 
AU SENAT :
 
Le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, va être examiné par la Commission des Affaires Culturelles : RAPPORT THIOLLIERES en date du 22/10/2008.
 
Les conclusions de la Commission des lois :
 
A.    UN ÉQUILIBRE DE BON SENS À TROUVER ENTRE LES DIFFÉRENTS DROITS EN PRÉSENCE POUR QU’INTERNET NE SOIT PAS UNE ZONE DE NON DROIT
 
1. Un rappel de bon sens au nécessaire respect des principes ; un appel à la régulation des comportements
a) La volonté de rétablir un équilibre actuellement rompu à la défaveur du droit des créateurs : ne pas confondre liberté et gratuité
b) Un principe mis en avant par la jurisprudence communautaire
2. Le choix judicieux d’une réponse graduée allant de l’avertissement à la sanction administrative non pécuniaire
a) Un message pédagogique clair : « halte au pillage des oeuvres culturelles sur Internet ! »
b) Un dispositif beaucoup plus dissuasif que répressif
(1) Les priorités : information et responsabilisation
(2) D’éventuelles sanctions plus proportionnées que l’actuelle répression pénale
 
B.    CONFORTER LES GARANTIES ENCADRANT LE FONCTIONNEMENT DE L’HADOPI POUR UNE HAUTE AUTORITÉ IRRÉPROCHABLE ET EFFICACE
 
1. Doter la Haute Autorité de la personnalité morale
2. Compléter les règles applicables à ses membres
3. Garantir son expertise
 
C.    METTRE LA HAUTE AUTORITÉ DAVANTAGE AU SERVICE DES POUVOIRS PUBLICS
 
1. Conforter ses attributions et sa légitimité
2. Assurer un suivi de ses missions par le Parlement et le Gouvernement
 
D.    MIEUX CONCILIER LES DROITS DES CRÉATEURS ET CEUX DES INTERNAUTES
 
1. Ouvrir, sous certaines conditions, une possibilité de sanction alternative
2. Élargir les modalités de saisine de l’HADOPI par les ayants droit
3. Sécuriser les internautes par une information renforcée
4. Sensibiliser les élèves aux risques liés à Internet et aux dangers du piratage
 
E.    ADAPTER LES OBLIGATIONS PESANT SUR LES OPÉRATEURS DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES.
 
1. Supprimer la référence explicite au filtrage des contenus
2. Encadrer les expérimentations en matière de filtrage
 
F.     TRADUIRE L’ÉQUILIBRE RÉSULTANT DES « ACCORDS DE L’ÉLYSÉE » EN ENCOURAGEANT LE DÉVELOPPEMENT DE L’OFFRE LÉGALE
 
1. Conforter les missions de l’HADOPI en matière d’encouragement au développement
de l’offre légale
      2. Inciter à une révision rapide de la chronologie des médias
 
 
Le Gouvernement va proclamer l’urgence.
 
 
A L’ASSEMBLEE NATIONALE
 
Février 2009
 
Un nouveau rapport est déposé au nom de la Commission des Affaires culturelles familiales et sociales sur le projet de loi adopté par le Sénat favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, par Mme MURIEL MARLAND-MILITELLO,
 
 
 
II.            LE DISPOSITIF DE LA LOI HADOPI
 
 
La Riposte Graduée selon le projet de loi adopté par le Sénat et en cours de discussion à l'Assemblée Nationale :
 
La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) sera une autorité administrative indépendante, dotée de la personnalité morale.
 
 
SES MISSIONS :
 
Au terme du projet de loi, l’HADOPI se voit confier plusieurs missions :
 
·         1° Une mission d’encouragement au développement de l’offre commerciale légale et d’observation de l’utilisation illicite ou licite des œuvres et des objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ;
 
·         2° Une mission de protection de ces œuvres et objets à l’égard des atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ;
 
·         3° Une mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des objets protégés par le droit d’auteur ou par les droits voisins.
 
COMPOSITION :
 
La Haute Autorité doit être composée d’un collège et d’une commission de protection des droits en principes indépendants de toutes autoristés.
 
1°) Le collège est composé de neuf membres, dont le président, nommés pour une durée de six ans par décret :
·         1° Un membre en activité du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;
·         2° Un membre en activité de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;
·         3° Un membre en activité de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes ;
·         4° Un membre désigné par le président de l’Académie des technologies, en raison de ses compétences en matière de technologies de l’information;
·         5° Un membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique désigné par le président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique ;
·         6° Quatre personnalités qualifiées, désignées sur proposition conjointe des ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture.
 
2°) La commission de protection des droits doit être composée de trois membres, dont le président, nommés pour une durée de six ans par décret :
·         1° Un membre en activité du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;
·         2° Un membre en activité de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;
·         3° Un membre en activité de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes.
 
La commission de protection des droits, pour l’exercice de ses attributions, disposera d’agents publics assermentés habilités par le président de la Haute Autorité.
 
Ils pourront, pour les nécessités de la procédure :
 
- obtenir tous documents, en original ou en copie, quel qu’en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques
- obtenir des opérateurs de communications électroniques l’identité, l’adresse postale, l’adresse électronique et les coordonnées téléphoniques de l’abonné dont l’accès à des services de communication au public en ligne a été utilisé à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés sans l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II du code de la propriété intellectuelle lorsqu’elle est requise.
 
 
SAISINE DE LA COMMISSION :
 
La commission de protection des droits agira sur saisine d’agents assermentés et agréés dans les conditions définies à l’article L. 331-2 qui sont désignés par :
– les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués ;
– les sociétés de perception et de répartition des droits ;
– le Centre national de la cinématographie.
Ou sur la base d’informations qui lui sont transmises par le procureur de la République.
 
Elle ne pourra être saisie de faits remontant à plus de six mois.
 
 
LA RISPOSTE GRADUEE :
 
1ère recommandation
 
Lorsqu’elle est saisie de faits constituant un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3, la commission de protection des droits pourra envoyer à l’abonné, sous son timbre et pour son compte, par la voie électronique et par l’intermédiaire des fournisseurs d’accès de l’abonné une recommandation lui rappelant les prescriptions de l’article L. 336-3, lui enjoignant de respecter cette obligation et l’avertissant des sanctions encourues en cas de renouvellement du manquement. La recommandation doit également contenir des informations portant sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites pour la création artistique.
 
2ème recommandation :
 
En cas de renouvellement, dans un délai de six mois à compter de l’envoi de la 1ère recommandation la commission pourra adresser une nouvelle recommandation par la voie électronique. Elle pourra assortir cette recommandation d’une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date d’envoi de cette recommandation et celle de sa réception par l’abonné.
 
3ème étape :
 
Lorsqu’il sera constaté que l’abonné a réitéré ses actes dans l’année suivant la réception d’une recommandation adressée par la commission de protection des droits et assortie d’une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date d’envoi de cette recommandation et celle de sa réception par l’abonné, la commission pourra, après une procédure contradictoire, prononcer, en fonction de la gravité des manquements et de l’usage de l’accès, la ou les sanctions suivantes :
 
1° La suspension de l’accès au service pour une durée de d’un mois à un an assortie de l’impossibilité, pour l’abonné, de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur l’accès à un service de communication au public en ligne auprèsde tout opérateur ;
bis  En fonction de l’état de l’art, la limitation des services ou de l’accès à ces services, à condition que soit garantie la protection des oeuvres et objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin ;
2° Une injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté et à en rendre compte à la Haute Autorité, le cas échéant sous astreinte.
 
La commission pourra décider que la sanction fera l’objet d’une insertion dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées.
 
ATTENTION :
 
Il n’est pas prévu que les lettres de recommandation divulguent les contenus des éléments téléchargés ou mis à disposition.
 
Avant toute sanction la Commission pourra proposer à l’abonné une transaction (portant sur les mêmes bases que les sanctions…).
 
La suspension de l’accès internet n’affectera pas, par elle-même, le versement du prix de l’abonnement au fournisseur du service, il s’agira d’une suspension et non d’une interruption.
 
En cas de non respect, par l’abonné, de l’injonction qui lui sera adressée, la commission de protection des droits pourra, à l’issue d’une procédure contradictoire, lui infliger une sanction pécuniaire d’un montant maximal de 5 000 € par manquement constaté à l’obligation visée au premier alinéa.
 
Est autorisée la création, par la Haute Autorité, d’un traitement automatisé de données à caractère personnel (un FICHIER) portant sur les personnes faisant l’objet d’une procédure de recommandation.
 
Les sanctions bénéficieront d’une exécution provisoire.
 
PERSONNES VISEES :
 
La personne responsable sera : l’ABONNE.
L’article 6 du projet de loi prévoit :
 
La personne titulaire de l’accès à des services de communication au public en ligne a l’obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sans l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu’elle est requise.
Le fait, pour cette personne, de manquer à l’obligation définie au premier alinéa peut donner lieu à sanction, dans les conditions définies par l’article L. 331-25.
La responsabilité du titulaire de l’accès ne peut être retenue dans les cas suivants :
1° Si le titulaire de l’accès a mis en œuvre l’un des moyens de sécurisation figurant sur la liste mentionnée à l’article L. 331-30 ;
2° Si l’atteinte aux droits visés au premier alinéa est le fait d’une personne qui a frauduleusement utilisé l’accès au service de communication au public en ligne, à moins que cette personne ne soit placée sous l’autorité ou la surveillance du titulaire de l’accès ;
3° En cas de force majeure.
 
RECOURS :
 
Les recommandations ne pourront pas faire l’objet d’un recors direct.
 
L’abonné destinataire pourra adresser des observations à la commission de protection des droits. Les recommandations ne pourront être contestées qu’en même temps qu’une sanction, qui elle pourra faire l’objet d’un recours en annulation ou en réformation devant les juridictions judiciaires.
 
Un décret en Conseil d’État déterminera :
- les conditions dans lesquelles les sanctions peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution.
- les juridictions compétentes pour connaître de ces recours.

Guillaume BARDON
Avocat à TOURS